Les uns et les autres nous sollicitent souvent pour savoir quel est notre quotidien, tant les infos peuvent être parfois surprenantes !
Donc voici une approche, qui vous donnera un petit aperçu…
Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique (environ 150 millions d’habitants, dont entre 14 et 18 millions vivent à Lagos). C’est aussi la deuxième économie du continent.
Si vous vous connectez sur le site du Ministère des Affaires étrangères, vous allez avoir peur!...Les médias parlent suffisamment du manque de sécurité et d’une société violente. C’est vrai ou pas ! Effectivement, la violence existe dans certaines régions et les kidnappings aussi : ils représentent un vrai business !
Récemment encore, vous avez entendu parler des affrontements ethnico-religieux de Jos, petite ville située à l’Est d’Abuja, la capitale.
Mais ni Pascal, ni moi, n’avons vécu de telles scènes pour le moment à Lagos ou lors de nos déplacements vers le Bénin ou vers Ibadan (Centre ouest)! Il y a des règles à respecter et si nous nous y prêtons, on peut vivre au Nigéria.
« Alors, me direz-vous, d’où vient cette instabilité ? ».
Plusieurs situations méritent d’être analysées.
Peut-être pouvons-nous penser en priorité, suite à l’actualité, à la crise institutionnelle. L’absence du Président Umaru YAR’ADUA et la non communication de son état de santé alimentent la chronique : Certains disent qu’il pourrait être mort, d’autres pensent qu’il est dans le coma…toujours est-il qu’il n’est plus apparu depuis novembre, période à laquelle il est parti en Arabie Saoudite où il devait être soigné. D’après la rumeur, il serait revenu à Abuja en février, mais personne ne l’a vu !!! Seule une interview a été publiée, sans aucune image ! Succédant à Olusegum OBASANJO, élu en 2007, après un scrutin entaché de fraudes, il s’est vite attiré la sympathie des Nigérians en parlant de démocratie, de justice et de lutte contre la corruption ! Son absence depuis fin 2009 a laissé en attente quelques dossiers et notamment, la pacification du Delta du Niger, site où les exactions sont les plus violentes (enlèvements, corruption, massacres…), principalement à cause du pétrole et de son exploitation.
Qui gouverne le pays? Goodluck Ebele Jonathan. Oui c’est son nom !
D’abord surnommé Azikiwe Jonathan, l’histoire raconte que sur l’insistance de ses grands-parents et après consultation des oracles, il a été rebaptisé « Goodluck » (Bonne chance). Diplômé en zoologie de l’Université de Port-Harcourt (Delta), il est instituteur, avant de devenir Inspecteur de l’Education Nationale. Il entre en politique en 1999. Colistier au poste de gouverneur de l’état de Bayelsa (dans le Sud), il occupe ce poste, avant d’être choisi en 2007 par l’ancien Président (Obasanjo), pour être le colistier du futur Président, dans un souci d’équilibre Nord-Sud du pouvoir. Il est alors élu vice-président et c’est logiquement qu’il a été officiellement investi en février dernier, sous la pression de la société civile, pour être Président par Intérim.
Deuxième point : le Pétrole.
« Du pur », disent les spécialistes, du « Bonny light » : un des meilleurs au monde !
En 1956, lors de la découverte du premier gisement à Oloibiri, région du Sud-Est, les espoirs étaient grands ! Mais les Nigérians ont vite déchanté ! Les plus grandes compagnies étrangères alimentent 80% des revenus de l’Etat, ensuite redistribués aux 36 états (Régions). Malheureusement, la population n’en profite pas toujours, l’argent part plutôt vers une petite élite politique. Je ne connais pas encore tous les états, mais je peux vous dire qu’à Lagos, des efforts sont faits depuis ces dernières années pour améliorer les infrastructures, le quotidien… En contrepartie, dans le Delta, la population reste sous-développée et en attente d’améliorations. L’appel de certains militants à une meilleure répartition des richesses est resté vain depuis plusieurs décennies. De fait, des groupuscules se sont formés et sabotent les installations, attaquent les oléoducs, enlèvent les expatriés travaillant pour les compagnies étrangères,… Le processus de pacification voulu par Yar’Adua aurait pu calmer les esprits ! C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pendant quelques temps. Il était prévu une amnistie en échange du dépôt d’armes…l’état proposant aussi la redistribution de 10% de la manne pétrolière ! L’absence du Président, certainement à l’origine du manque de cette compensation, a contribué à relancer les débats et les actions : récemment, le Mend a durci le mouvement et a fait exploser deux voitures à Warri. Goodluck a immédiatement rassuré en précisant qu’un certain temps serait nécessaire pour qu’une dynamique en faveur du développement de la Région soit effective.
Et le reste ???
On peut aussi parler de l’électricité. La NEPA, devenue depuis PHCN, équivalent de notre EDF, est un réel problème !
Les Nigérians ironisaient sur le sigle « NEPA », le traduisant par « Never Expect power again », soit n’espérez plus jamais de courant ! », puis, dès l’apparition du nouveau sigle, par : »Problem has changed name, soit « le problème a changé de nom ». La production d’électricité n’est de loin pas suffisante pour l’ensemble des habitants. Seulement 3300 MW. Ce qui est une aberration ! L’objectif de 6000MW prévus en 2009 n’a pas été atteint ! Comment cela se traduit-il ? Parfois pas de courant dans la journée ou de nombreuses coupures, obligeant les différents commerces, bureaux ou comme nous au lycée, à avoir des groupes électrogènes qui assurent le relai. Ces groupes alimentés par quoi ?...du fioul bien entendu ! Et qui dit « fioul », dit aussi « moyens ». Les conséquences à notre niveau? La chaine de froid n’est pas garantie ! Donc pas de surgelés achetés ! Nous ne sommes jamais sûrs des générateurs qui ont parfois du mal à s’enclencher sur une trop grande demande d’énergie ! Actuellement au lycée, deux des groupes sont en panne ! Nous sommes obligés de protéger nos appareils ménagers des surtensions éventuelles !...
Ceux qui n’ont pas les moyens : Ils prient!
Ils prient pour tout : en montant dans l’avion, déjà, au départ de Paris, puis pendant le vol, à n’importe quel moment de la journée, pour un malade, pour remercier… Dieu est partout : sur les okadas, les voitures, les bus, les murs…! Le Nigéria ne compte pas ses mosquées, ses églises, ses temples… Certains propriétaires de terrain n’hésitent pas à les louer et on voit apparaître en quelques jours un lieu de culte, un nouveau ! Ici l’avenir est entre les mains du Seigneur. On va même jusqu’à donner un bon tiers de son salaire, certain étant déjà très bas ! C’est une obligation pour faire partie de la Communauté et s’attirer les grâces du Tout-Puissant ! Pourtant, à la signature de l’Indépendance, en 1960, n’avait-on pas parlé d’un état laïque? Aujourd’hui, la religion fait partie intégrante du pays. Depuis 2001, une douzaine de régions au Nord appliquent la charia, avec dans les états de Kano et Zamfara, de nombreux groupes extrémistes. Au Sud, c’est plutôt une dominante chrétienne qui est constatée. Jos est à la limite des deux zones : 2500 morts en dix ans, dont récemment encore une centaine ! A Lagos, les pratiquants vivent les uns à côté des autres, sans que cela ne pose de problème majeur…
Et Abuja, la capitale?
Pourquoi n’est-elle pas atteinte du même syndrome. Pourtant implantée en plein Centre du pays, en 1976, telle la ville de Brasil de l’autre côté de l’Atlantique, elle devait unifier le pays et laisser respirer le Sud. Depuis 1982, Abuja est devenue officiellement la capitale fédérale. Jusqu’à lors, Lagos assurait ce rôle. Aujourd’hui, Lagos est devenue la capitale économique, Abuja poursuivant ses constructions : ponts, tunnels, buildings… Abuja la propre, Lagos, la sale ; Abuja et sa verdure, Lagos et sa grisaille ; Abuja et ses belles artères, Lagos et ses routes défoncées, Abuja et le modernisme, Lagos et ses quartiers plus que vieillissants, Abuja la calme, Lagos la grouillante, Abuja et ses richesses, Lagos et la pauvreté… Et pourtant ??? Demandez à un Nigérian, s’il préfère vivre à Abuja ou à Lagos…vous serez surpris ! Lagos est magique, étonnante! Construite sur l’eau, alternent de riches ilots et les bidonvilles, parfois reliés par d’immenses ponts de béton, mal entretenus et où les go-slow (embouteillages monstrueux) font partie du quotidien. Les deux plus beaux quartiers : Ikoyi (quartier des ambassades et des Consulats), et Victoria Island (celui du lycée), vers lesquels des milliers de personnes transitent chaque jour, encombrant les ponts des heures durant et ce dès cinq heures du matin ! La ville a tendance à s’étendre aujourd’hui vers Lekki où de nouvelles constructions voient régulièrement le jour. Depuis quelques années, d’après les commentaires, sous les directives de l’ancien Gouverneur Bola Tinubu, puis plus récemment avec Babatunde Fashola, le quotidien s’améliore : les ponts sont nettoyés, quelques routes principales goudronnées, les espaces verts créés ; même la sécurité se serait améliorée !
Ah ! La sécurité ! Vaste sujet : tout dépend des conditions, du lieu, de l’heure…quelques paramètres à prendre en compte pour garantir un minimum. Exemple : Inutile de vous rendre à l’aéroport le soir, une fois la nuit tombée. D’ailleurs, nous ressortissants français, sommes interdits de déplacement dans ces conditions. Donc pour prendre l’avion qui revient sur Paris dont le décollage est prévu le soir à 23 heures, nous partons de notre beau quartier à 16 heures de manière à ce que le chauffeur puisse revenir dans les temps au lycée. Bon, les policiers sont là, uniforme noir et vert, béret de la même couleur, arme à la ceinture et kalachnikov à l’épaule, avec très souvent, une cartouche engagée. C’est avec eux que nous voyageons vers le Bénin si nous en faisons la demande au Consulat ! Dans les conditions actuelles, ils ne nous escorteront jamais vers le Delta.
Autre exemple : Vous employez un policier pour votre déplacement, vous décidez de faire une pause pour boire un coca. Pendant cette pause, le policier disparaît… SI vous le cherchez un peu, vous le retrouvez un peu plus loin sur le bord de la route, en train d’arrêter les voitures moyennant un bakchich, à côté des milices privées. Sur la route de Cotonou, vous pouvez être arrêtés des dizaines de fois, excepté si vous avez des plaques rouges, signe de la présence d’officiels étrangers (Ambassade, Consulat, Alliance française, ou lycée). Quelquefois, ces mêmes policiers, une fois leur service terminé, louent leur costume (jamais vu, mais c’est une rumeur récurrente)!!!
On entend aussi que certains sont directement mêlés aux disparitions ou exécutions.
Pour mettre de l’ordre dans la police, Obasanjo, l’ancien président avait tenté une réforme, augmentant les salaires et condamnant la corruption par emprisonnement. Certains ont été calmés…c’est un début !
A nos yeux, mis à part le fait qu’ils portent une arme, nous les respectons et ils ont toujours été sympas avec nous !
Nous ne nous sommes que très rarement sentis en insécurité ; dans tous les cas, ni plus ni moins que dans une autre mégapole ! Juste, nous nous appliquons à respecter les règles officielles.
Dans les quartiers résidentiels, nous n’hésitons pas à circuler, sans être accompagnés, le cas échéant !
Quelles sorties ? Restaurants, plus ou moins bien reconnus, musique, cinéma, ballades, peintures…
Les attentes ne peuvent pas être celles dont nous disposons en France, mais en cherchant, on trouve !
Les libanais, très bien implantés à Lagos dans plusieurs domaines (Commerces et restauration), font concurrence aux Thai, japonnais et chinois, qui occupent de plus en plus le marché. Vous pouvez manger pour pas cher et bon ! Si vous n’êtes pas trop conformistes, vous pouvez également déguster quelques grillades sur Bar Beach (en bord de plage), aux rythmes africains. La cuisine nigériane n’est pas extra pour notre palais car très éloignée de notre standard, mais il faut goûter !
Des concerts sont proposés régulièrement soit directement inspirés du style Fela Kuti, chanteur et saxophoniste génial, dont l’afrobeat était sa façon de lutter contre la junte militaire, alors au pouvoir, animé d’un mélange de rythmes yoruba, traditionnels, funk et jazz, ou encore des concerts classiques… Parmi les chanteurs du Nigéria connus : outre Fela, Femi et Seun Kuti ont pérennisé le style, mais aussi Tony Allen, représentant la vieille garde, ou encore Asa, jeune nigériane, lancée par l’Alliance Française, dont le premier CD plus suave et moins rythmé que ses pairs, est sorti dans les boxes l’an passé. D’autres existent, mais les tendances vont plutôt vers des rythmes moins marqués et plus Hip-hop, davantage au goût du jour !
Le cinéma…oui ! bien sûr ! Là encore, ce n’est pas l’UGC Bercy, mais quelques riches propriétaires ont construit leurs propres salles (peu) et proposent quelques grandes productions américaines en V.O.
Depuis une vingtaine d’années, se développe le cinéma, tout droit issu des rues de Lagos (appelé Nollywood), devenu une industrie exportée, diffusée sur Internet, vendue sur CD et DVD et regardé par les plus chanceux sur les home-vidéos. Le Nigéria compte environ un millier de films produits par an. Les propriétés sont louées quelques jours pour des séries télévisées, dont les prises de vue sont réalisées avec de simples caméras vidéo.
Plus au Nord, à Kano, l’industrie du cinéma était bien présente jusqu’en 2008, davantage accès sur la sorcellerie, la religion, l’amour…mais tend à disparaître, tant la censure imposée par les milices religieuses est importante.
Les ballades ? On peut faire ! Pas aussi librement et peut-être pas aussi variées qu’ailleurs. Ceci dit, il faut prévoir une plus grande échelle et des moyens différents. Vous voulez aller à la plage ? Pour ne pas vous baigner près du port, soit vous prenez la voiture, soit un bateau. Il est possible de se baigner entre le port de Lagos et Cotonou (Bénin), de rejoindre de belles plages. Si vous poussez jusqu’à Cotonou, vous serez servis également. D’ailleurs le Bénin peut être visité plus facilement que le Nigéria. Pour aller à l’Est du Nigéria et découvrir les belles régions limitrophes avec le Cameroun, mieux vaut prendre l’avion ! La route est proscrite !
Le dimanche, hors go-slow, le tour de Lagos est envisageable ! Les forêts existent, à l’est de Lagos, par exemple ! Des quartiers colorés et très vivants flirtent avec les différentes rues ! Difficile de donner là, un éventail de possibilités !
Que dire des nombreux peintres qui exposent régulièrement : styles très particuliers, aquarelles, huiles… rien ne manque ! Il faut juste chercher et avoir le temps ! De réels talents existent !
Il en ait de même pour les courses : Vous faites une liste de vos besoins, vous allez au supermarché. N’espérez pas trouver l’assouplissant dont vous avez besoin ! Il n’y en a plus ! Voyez chez le libanais !
« Du temps », disais-je ? « Et de la patience ! »
Dans tous les cas, si l’on vient dans ce pays volontaire (ou un peu poussé), on en tombe amoureux !
A l’image de tous ces béninois, ces ghanéens qui n’hésitent pas à passer la frontière pour venir travailler là : même s’ils se déplacent pour gagner leur vie, tous se disent contents d’être là! Et ces nombreux nigérians, pauvres eux aussi, mais qui se contentent de leur sort !
Oui, c’est un choc les premiers jours et on s’accroche à nos affaires, mais on peut observer des heures entières les comportements, la ville, la campagne, tous surdimensionnés.
Oui, dans les quartiers défavorisés le risque existe et la mortalité importante, d’autant qu’on la voie, on la côtoie !
Oui, les voleurs sont tués sur place s’ils sont attrapés : brûlés sans jugement ! On les a vus ; cela suffit !
Oui, il faut graisser parfois la patte pour arriver à ses fins !
Si l’on n’accepte pas cela, inutile de faire le déplacement ! Dans le cas contraire, c’est une vraie richesse qui s’offre à vous, de vivre des moments exceptionnels, inattendus et insensés!
J’espère vous avoir rassuré et/ou donné l’envie de vous déplacer !